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dimanche 3 janvier 2010

L’état de la psychiatrie en France est « des plus inquiétants »

L’état de la psychiatrie en France est « des plus inquiétants », selon le dernier rapport de l’office parlementaire d’évaluation des politiques de santé chargé « d’informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique » « afin de contribuer au suivi des lois de financement de la sécurité sociale ».

Selon le sénateur UMP Alain Milon, rapporteur de ce texte, la santé mentale devrait être une priorité de la santé publique. Pourtant la psychiatrie, qui devrait logiquement être le pivot de la politique de santé mentale, est incapable d’assurer la prise en charge des patients en raison de la faiblesse des politiques de prévention et d’information, du caractère tardif de la détection compromettant la mise en oeuvre de soins efficaces, de l’insuffisance des moyens hospitaliers et de leur mauvaise articulation avec les soins de ville et parce que les traitements actuels agissent plus sur les symptômes que sur leurs causes. La psychiatrie ne peut actuellement faire face aux besoins de soins de la population. Il s’agit donc de déterminer si elle pourrait répondre aux besoins et à quelles conditions.

Il faut d’abord mettre fin à un double abandon : celui des malades et celui des soignants. Cela suppose de réintégrer la psychiatrie dans le mouvement général de la médecine, qui fait du malade un acteur des soins, et de favoriser les éléments les plus dynamiques de la recherche en psychiatrie. Ceci implique de déstigmatiser la maladie mentale et de relancer les politiques d’information du grand public de l’Inpes, interrompues depuis 2007.

Le pendant de l’information du grand public est l’information des médecins, c’est-à-dire leur formation initiale et continue. Plutôt que d’accéder directement à un psychiatre, les malades ou leur entourage se tournent vers le médecin généraliste. Or les médecins généralistes ne sont pas suffisamment formés à la détection des troubles psychiatriques.

L’action en faveur de l’accompagnement est indissociable de celle en faveur de l’information. Comme l’indique le rapport du CNEH, on a supprimé en France, entre 1985 et 2005, près de trente mille lits et places en psychiatrie afin de permettre aux malades de conserver autant que possible une vie sociale. Mais ce faisant, on a transféré la charge de l’accompagnement des structures hospitalières vers les proches. Or peu de moyens sont mis à la disposition des proches pour les aider dans leur tâche.

La solution passe par le développement de l’exercice groupé et des coordinations entre professionnels de santé. L’exemple des cabinets infirmiers qui, tous les jours, se rendent chez les malades atteints de troubles et prennent le temps de s’assurer qu’ils suivent leur traitement est à développer car la rencontre quotidienne, ou au moins régulière, permet le maintien du lien social, prévient l’isolement voire l’enfermement et offre l’occasion de rappeler au malade pourquoi il doit se soigner.

Pour permettre le développement de tels services de soins, il faut créer, après le diplôme d’infirmier, une spécialisation de niveau master pour former des infirmiers en psychiatrie. En effet la suppression du diplôme d’infirmier en psychiatrie a entraîné une perte de savoir-faire qui pénalise les soins. De plus, il faut permettre aux titulaires du diplôme d’infirmier en psychiatrie qui n’ont pas suivi le tronc commun de s’établir dans des cabinets d’exercice libéraux pour la pratique des soins d’accompagnement psychiatrique.

Plus largement, il est nécessaire de favoriser le développement des réseaux de soins consacrés à la prise en charge d’une pathologie ou centrés sur un territoire. Ces réseaux ont le mérite de faire travailler en commun la médecine de ville et les structures hospitalières, voire d’inclure une dimension de suivi social. Enfin, les coopérations doivent être encouragées pour trouver de nouveaux protocoles de soins incluant des délégations de tâches entre médecins, psychothérapeutes cliniciens et infirmiers.

L’évolution de la démographie en matière de médecins psychiatres est moins défavorable qu’on pouvait le craindre mais, comme pour les autres professions médicales, la difficulté est de veiller à la bonne répartition territoriale des spécialistes.

Le rapport Couty, remis à la ministre de la santé en janvier, préconise de rénover le secteur psychiatrique en créant des groupements locaux pour la santé mentale qui réunissent l’ensemble des acteurs, publics, privés, médicaux et sociaux de la santé mentale. Cette proposition inquiète beaucoup les professionnels de la psychiatrie qui y voient une remise en cause de leurs pratiques. Dans un contexte de relations tendues entre les pouvoirs publics et la profession, il semble impossible d’imposer une telle réforme. Une expérimentation dans des départements pilotes pourrait néanmoins être un moyen de mesurer l’intérêt pratique de la réorganisation des soins proposée.

Un effort particulier doit être conduit en faveur des patients les plus fragiles : personnes en situation de grande précarité, populations migrantes et détenus. Les liens entre maladie mentale et travail doivent également être approfondis.

A la nécessité de réformer l’organisation des soins s’ajoute celle de faire progresser les traitements. On constate que les choix thérapeutiques varient fortement d’un médecin à l’autre en fonction de visions différentes des causes de la maladie et de l’expérience du praticien. Toutefois, si les querelles entre écoles de psychiatrie n’ont pas totalement disparu, elles ont tendance à s’atténuer. On peut donc espérer que les fondements empiriques des traitements psychiatriques vont progressivement laisser la place à des pratiques de plus en plus uniformes appuyées sur des connaissances scientifiques. La direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins travaille depuis plusieurs années à un référentiel des soins psychiatriques qui offre la perspective d’arriver un jour à l’élaboration de protocoles de prise en charge des différentes pathologies.

Améliorer les traitements passe aussi par un effort en faveur de la recherche. D’après le CNEH, la France est mal classée, au niveau international, dans le domaine général de la psychiatrie puisqu’elle ne figure pas parmi les cinq premiers pays en nombre d’articles cités. La recherche française est néanmoins en pointe sur certaines pathologies comme l’autisme, pour lequel elle est troisième au niveau mondial, et un certain nombre de chercheurs se consacrent aux problèmes cruciaux de la psychiatrie. On peut donc espérer créer un véritable réseau national en matière de recherche psychiatrique.

Malgré des rapports nombreux, ce n’est qu’avec le plan santé mentale 2005-2008 que l’on a commencé à agir pour améliorer la prise en charge psychiatrique en France. Or il n’est pas acceptable que demeurent les incertitudes sur le nombre de malades, l’absence de prévention et de diagnostic renforcée par l’inégalité dans l’accès aux soins, la variété des traitements et la faiblesse du suivi médical et médico-social. La psychiatrie, si l’on accompagne sa réorganisation territoriale, si l’on forme des infirmiers d’Etat en psychiatrie et si l’on encourage la recherche, peut assurer le rôle de pivot de la politique de santé mentale, partie prenante de la politique de santé publique.

Pour ces motifs, M. Alain Milon, sénateur, rapporteur, a proposé à l’Opeps l’adoption de quinze recommandations tendant à l’organisation d’états généraux de la santé mentale devant servir de base au dépôt d’un projet de loi au Parlement, à la mise en oeuvre dans le cadre d’expérimentations départementales de groupements locaux pour la santé mentale, à l’instauration d’une spécialisation en soins psychiatriques pour les infirmiers, à la promotion des coopérations entre professionnels et du bon usage des médicaments psychotropes, au développement de la formation initiale et continue des médecins et au soutien à la recherche par la création d’un réseau national.

Le texte du rapport est disponible sur le site du Sénat : http://www.senat.fr

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