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lundi 1 mars 2010

Petit manuel de management

FlickR - Manager - Visual Psychology - A3- h.koppdelaneyFrance Telecom fait couler beaucoup d’encre, beaucoup de larmes, et… quelques gouttes de sang. A écouter les médias qui exploitent les suicides au travail comme une sorte de feuilleton de nature à tenir le lecteur en haleine, la souffrance au travail est devenue un enjeu de société majeur. Hier, ce fut France Telecom, aujourd’hui, c’est l’AP-HP. Demain, que sera-ce ? Dernière nouvelle en date : le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (SNPHAR) a décidé, face aux alertes répétées de ses adhérents, de mettre en place un observatoire de la souffrance au travail en milieu hospitalier.

Pour avoir vécu pendant un temps les joies de l’anti-management et pour en avoir discuté avec des personnes de tous horizons, votre serviteur vous propose un manuel condensé de management, ou l’exemple type de ce qu’il ne faudrait faire et ne pas faire. Loin de moi l’idée de donner des leçons à qui que ce soit, bien évidemment. Chacun trouvera, espérons le, midi à sa porte.

Disons le d’emblée, l’action de diriger des hommes ne s’improvise pas et repose sur un bon nombre de qualités.

Dès lors, chacun de nous étant intégré dans une équipe de travail, comme « manager » et /ou comme « managé » une réflexion sur le sujet ne nous parait pas superflue.

De la distinction entre pouvoir et autorité

Le mauvais « manager » est celui qui se borne à exercer légitimement le pouvoir au sein d’une équipe, sans en avoir l’autorité naturelle.

Première difficulté auquel se heurte le management : il doit reposer sur une autorité et non pas seulement sur un pouvoir. Un simple acte de nature administratif, croit-il, fonde et son pouvoir et son autorité. Or, l’autorité ne se décrète pas. Elle doit se reconnaître car elle est totalement immatérielle, il s’agit d’un style de direction qui s’exerce exclusivement sur des individus par un mode d’adhésion volontaire et personnel.

En d’autres termes, l’autorité n’est pas tant « une capacité d’agir » qu’« un savoir socialement reconnu ».

Quel est donc le « savoir » que doit posséder le manager ? C’est indiscutablement la compétence. Mais quelle est la compétence exigée d’un responsable hiérarchique ?

La compétence technique ne fonde pas l’autorité

En ce sens, le mauvais manager est soit doté purement et simplement d’une compétence purement scientifique ou technique, sans la capacité à gouverner, soit il est techniquement incompétent et inapte au commandement.

A titre d’illustration, une analogie peut être faite avec le gouvernement politique. Un général, aussi compétent soit-il, ne fait pas forcément un bon ministre de la défense, car un bon ministre est avant tout celui qui a le don de gouverner, d’organiser et ce, quel que soit le ministère où il est affecté. En définitive, l’on peut observer que plus on monte dans l’organisation hiérarchique, plus cette capacité à diriger les hommes doit primer sur la compétence technique.

Or, malheureusement, dans les systèmes d’évolution de carrière actuelle, le titre de manager est trop souvent dévolu à la personne qui s’est révélée la plus experte dans son domaine, « la première de la classe », la plus efficace ou simplement la plus diplômée. Ce mode de gestion, fondé uniquement sur la reconnaissance technique, peut être préjudiciable pour le climat social de l’entité.

Compétence technique et compétence de gouvernement ne sont pas pour autant incompatibles. Bien au contraire. Néanmoins, ce qui est essentiel pour exercer à bon escient le pouvoir c’est cette faculté du chef à faire converger les savoirs techniques de son équipe vers un but commun. Cette capacité managériale permet non seulement de souder une équipe autour d’objectifs communs mais encore, elle permet la valorisation des personnes qui la composent.

Autrement dit, pour agir et commander, le manager doit être doté d’une autorité, c’est-à-dire du savoir nécessaire pour exercer le pouvoir qui lui a été juridiquement conféré. Ce savoir ne s’identifie pas à une compétence technique il s’agit plutôt d’une sagesse de gouvernement.

Distinguer charisme et autorité

Le charisme est un don naturel qui permet à celui qui en jouit de séduire, d’influencer, voire de fasciner les autres. La maîtrise des techniques de communication permet aujourd’hui de renforcer le charisme personnel d’un individu.

Toutefois, le charisme ne suffit pas pour exercer véritablement l’autorité. Plus encore, si l’ascendant purement psychologique ou charismatique dont peut être doté le manager est indéniablement une qualité, cette dernière doit toujours se mettre au service de l’autorité, sous peine de conduire à une forme de gouvernent tyrannique.

Deux écueils menacent, en effet, celui qui s’appuie trop systématiquement sur son charisme :

tout d’abord, que son mode de gouvernement soit autoritaire (la volonté du chef s’imposant uniquement parce que c’est lui le chef. Un tel autoritarisme devient, à long terme, intolérable pour des collaborateurs qui veulent légitimement agir en ayant conscience du but commun qui est poursuivi par l’entreprise) ;

ensuite, que son mode de gouvernement soit fondé sur l’affectif (dans cette situation, sans pour autant le formuler explicitement auprès de son subordonné, lorsqu’il commande, le chef sous-entend : « fais le puisque c’est moi qui te le demande » ou encore « tu peux bien le faire pour moi puisque je t’apprécie »), ce type de gouvernement est à la longue destructeur.

Rendre l’obéissance plus impersonnelle

En effet, la véritable autorité n’est pas centrée sur la personne qui l’exerce mais elle est dirigée vers autrui. Elle a ce pouvoir de rendre l’obéissance plus objective et plus impersonnelle, car dans un rapport d’autorité authentique ce n’est pas un homme qui s’impose à un autre homme, c’est un homme qui convainc autrui d’adhérer à un projet commun.

Le mauvais manager considère que l’autorité est purement une question de charisme personnel, d’intelligence spéculative, ou de bonne maîtrise de la communication. En effet, l’autorité ramène plus profondément à des valeurs, un projet commun, un idéal.

FlickR - Management of Complexity - michael.heissRéfléchir à sa mission

Qu’est-ce qui caractérise, en définitive, une personne dotée d’autorité ?

Sans prétendre aucunement à l’exhaustivité, il convient de mentionner deux traits caractéristiques du bon manager : il s’agit d’une personne de conviction, d’une personne qui véhicule des valeurs.

À autorité celui qui croit à la valeur de sa mission d’encadrement. Diriger une équipe n’est jamais une mission accessoire quel que soit le métier que l’on exerce. Le terme de cadre est à ce propos très évocateur, un cadre se définit par sa fonction d’encadrement et non plus par son métier.

En ce sens, le manager doit avoir une réelle capacité d’autoréflexion pour s’examiner régulièrement sur son rôle et sur sa mission d’encadrement. Autrement dit, il doit se demander : à travers tel ou tel projet, qu’est ce que l’on attend de moi en tant que manager ? Dans la réalisation de cette action quelle est la vision ou les valeurs que je dois faire passer à mon équipe ? Quel est au fond le sens de mon agir : ma carrière, le respect de ma feuille de route, la professionnalisation de mon équipe, l’épanouissement de mes collaborateurs… ?

On l’aura compris, pour répondre à ce type d’interrogations, le manager doit réfléchir sur le sens de son action, il doit avoir et savoir transmettre une vision d’avenir, il doit savoir bâtir des projets réellement fédérateurs. Le mauvais manager divisera pour mieux régner en croyant faire preuve d’autorité…

Il doit aussi avoir le courage de hiérarchiser de manière réaliste les actions de son équipe pour éviter que l’intensification et la pression ne détériorent le climat social.

Dresser le « bilan social » de son action

Cette capacité d’autoréflexion doit aussi l’amener à faire régulièrement le « bilan social » des projets qui ont été finalisés par son équipe : en effet, le niveau d’exigence qu’un projet peut faire peser sur une équipe est bien souvent sous évalué par les managers. Or, il s’agit de moments forts d’implication intellectuelle sociale et émotionnelle pour toute une équipe. On peut notamment penser à la préparation d’une visite de certification.

Dès lors, s’interroger sur la manière dont les projets ont été vécus par une équipe, sur le degré de satisfaction et de reconnaissance que chacun de ses membres a pu ressentir une fois que le projet est finalisé, nous paraît fondamental pour éviter les déceptions ou les frustrations.

En définitive, un bon manager n’est pas tant celui qui atteint ses objectifs que celui qui a su donner du sens au travail prescrit et qui a ainsi permis à chacun d’en retirer une satisfaction.

Profil du mauvais manager

Pour courir à l’échec, voici les pratiques que tout mauvais manager se doit d’appliquer :

  • lancer des ordres à la cantonade sans préciser le « qui fait quoi » ;
  • ne pas jouer la transparence ;
  • prendre des revendications ou des remarques comme des attaques personnelles ;
  • en situation de tension « faire l’autruche » en pensant que les choses s’arrangeront avec le temps ;
  • confondre autonomie des collaborateurs avec l’absence de prise de connaissance de la réalité de leur travail au quotidien ;
  • ne pas vouloir faire remonter les problèmes pour éviter d’être remis en cause ;
  • donner des réponses fondées sur l’affectif : du style « il n’y a que toi qui puisse le faire », « vous êtes brillant », ce qui est très différent de « c’est un travail remarquable » ;
  • confondre l’erreur d’avec la faute en sanctionnant la première ;
  • reporter sa responsabilité sur les autres ou se démettre de sa responsabilité ;
  • culpabiliser l’autre ou lui faire croire que le problème vient de lui ;
  • semer la zizanie pour créer la suspicion et ainsi mieux régner ;
  • donner des ordres toujours au dernier moment ;
  • arriver à l’improviste pour s’imposer ou pour transférer un problème ;
  • utiliser les autres pour atteindre ses propres buts ;
  • flatter pour mieux manipuler…

Le manager doit être réellement soutenu dans son rôle d’encadrement

Cette conception du management devrait bien évidemment être intégrée en premier lieu par les organisations elles-mêmes afin qu’elles donnent réellement aux personnels d’encadrement le temps, les moyens et les leviers nécessaires pour réaliser leur fonction d’encadrement, en évitant notamment de noyer l’encadrement intermédiaire sous des flots incessants d’injonctions souvent contradictoires ou peu réalistes.

FlickR - Working Together Teamwork Puzzle Concept - lumaxartProfil du bon manager

La justice

Il n’y a pas de véritable autorité si celui qui détient le pouvoir n’est pas pénétré de l’idée qu’il doit être juste dans ses décisions, ne pas montrer ses sympathies ou antipathies naturelles, ni prendre une position de « protecteur » vis-à-vis de certains de ses subordonnés. La justice exige de bien connaître ses collaborateurs, d’éviter les surcharges de travail. Elle demande une organisation souple des équipes, de manière à aider qui en a besoin et à exiger de chacun ce qu’il peut réellement donner.

Gageons que la volonté de justice chez le chef est rapidement perçue par un collaborateur et qu’en conséquence, le phénomène de contrainte sous-jacent à l’exercice normal du commandement, tend à disparaître lorsque la volonté de justice du manager est manifeste.

L’exemplarité

Qu’est-ce que les salariés attendent de leurs chefs ? Au-delà de leur diversité, les réponses convergent systématiquement sur les qualités de compétence en matière de décision, de choix d’avenir, mais plus encore sur les qualités d’ordre éthique que doit avoir le chef (courage, honnêteté, justice, loyauté, force, disponibilité…).

La prudence

Parmi les qualités du chef, citons également la prudence, qui permet d’innover, de s’écarter des processus habituels en vue d’un bien supérieur, de prendre des risques judicieux et mesurés et de tirer les enseignements de ses erreurs. La prudence pousse aussi à déléguer à bon escient le pouvoir, à diffuser l’autonomie en la proportionnant aux capacités de chacun, et à faire confiance.

La confiance

Créer et faire confiance. Car si la confiance n’existe pas, il est impossible de promouvoir un travail en équipe. Elle est, en définitive, la condition du développement et de l’engagement. J.-P. Dherse et H. Minguet1 ont listé, de manière tout à fait pertinente, cinq conditions pour que la confiance puisse s’installer : la première est la vérité qui repose souvent sur l’information et la transparence, la deuxième est la sécurité, sans laquelle il est impossible d’avancer, la troisième est la mutation du sens du pouvoir : c’est-à-dire une transformation du désir de domination en pouvoir de servir autrui, la quatrième condition est la fidélité qui s’exprime par la juste réciprocité enfin, la cinquième condition de la confiance est le respect.

C’est dans mesure où la personne se sait respectée que la confiance réciproque peut s’établir. Sans confiance, la subordination est une sorte de « servitude dissimulée » pour reprendre une expression du philosophe Rafael Alvira.

On pourra toujours considérer les présents propos comme moralisateurs, théoriques ou idéalistes. Il n’en demeure pas moins que les responsables sont toujours appréciés par leurs collaborateurs en termes d’éthique et sous l’angle de leur autorité.

Pour finir, le mot autorité vient du latin « augere » qui exprime l’idée d’accroissement de développement. Elle appelle l’intelligence, la volonté, la conscience… Finalement, à l’heure où l’on s’interroge très justement sur le bon fonctionnement de l’entreprise, il conviendrait de redécouvrir la valeur du concept.

  1. P. Dherse et H. Minguet : « l’éthique ou le chaos ? » éd. Presse de la Renaissance 1998. []

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