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mardi 2 février 2010

L’accès à l’interruption volontaire de grossesse est mal garanti en France

uatre Françaises sur dix ont un jour recours à un avortement. Alors que le taux de diffusion de la contraception est élevé en France, le nombre d'interruptions volontaires de grossesse (IVG) reste lui aussi stable à 200 000 par an depuis l'adoption de la loi Veil en 1974. L'accès à l'avortement reste trop précaire dans certaines régions françaises.


L'accès à l'IVG a connu des progrès mais reste fragile, pointe un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), très attendu par les associations, et remis mardi 2 février à la ministre de la santé, Roselyne Bachelot. L'IVG y est défini comme un enjeu de santé publique trouvant "difficilement sa place", le système de santé ne s'étant pas adapté à cette "composante structurelle".

Menée par deux inspectrices de l'IGAS, Claire Aubin et Danièle Jourdaine-Menninger, le rapport avait pour objet de faire le bilan de la loi de 2001, qui avait porté le délai maximal de recours à l'IVG de dix à douze semaines et permis l'accès des mineurs à la contraception sans autorisation parentale.

Leur rapport est une synthèse d'études et d'investigations sur le terrain. Une partie des IVG est évitable car liée à une inadéquation de la méthode contraceptive aux conditions de vie sociales affectives, et sexuelles des femmes. Ainsi, un quart des femmes qui ont avorté en 1998 prenaient la pilule. L'échec contraceptif étant dû à un oubli du comprimé. Par ailleurs, l'IVG apparaît comme une manière de reporter une maternité survenue trop tôt pour les femmes dans une situation professionnelle débutante.

En matière d'accès à l'IVG, le rapport de l'IGAS pointe une situation inquiétante. Si des progrès ont été accomplis dans les délais de prise en charge, raccourcis à moins d'une semaine, des "goulots d'étranglement préoccupants" demeurent, notamment en Ile-de-France et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Confrontées à des délais d'attente trop importants, des femmes sont obligées de partir à l'étranger pour avorter.

L'avortement médicamenteux, introduit il y a vingt ans, a largement progressé, passant de 18 % des cas il y a dix ans à 43 % aujourd'hui. L'IGAS pointe là encore de grandes disparités entre les régions et les établissements.

"PAS DE BONNES CONDITIONS"

Surtout, les auteurs s'alarment d'un risque de généralisation de cette pratique, pas adaptée à tous les cas et de perte de choix pour les femmes. Cette méthode est en effet moins coûteuse que l'IVG chirurgicale, car elle peut-être effectuée par une sage-femme ou une infirmière et ne nécessite pas de bloc opératoire. "La Haute autorité de santé la préconise jusqu'à sept semaines de grossesse, mais des services donnent des comprimés bien après, ce qui aboutit à des expulsions très longues et très douloureuses", s'alarme le docteur Marie-Laure Brival, présidente de l'Association nationale des centres d'interruption de grossesse et de contraception.

"Si le droit à l'IVG semble peu susceptible d'être remis en cause en tant que tel, sa mise en œuvre dans de bonnes conditions ne va pas de soi et divers facteurs doivent inciter à la vigilance", prévient le rapport, estimant que la prise en charge, fragile, pourrait se dégrader, voire être menacée.

De fait, l'IVG est peu valorisée sur le plan professionnel en terme de carrière et d'image, et sur le plan financier. Le départ à la retraite de la génération des médecins militants pourrait poser problème, car la relève n'est pas assurée. En outre, le recours à la clause de conscience des médecins semble s'être accéléré avec l'allongement du délai légal de recours à l'IVG.

Mais le principal problème est celui de la faible rémunération de l'IVG chirurgicale (par aspiration), qui, malgré des hausses successives, ne permet pas de couvrir les coûts. Résultat : le secteur privé s'en est détourné, et le nombre de centres d'IVG est passé de 729 en 2000 à 639 en 2006.

Le rapport prône donc, outre la formation des médecins et l'intégration de l'activité à part entière dans les plans régionaux de santé, la poursuite de la revalorisation de l'acte. Il est facturé de 306 à 442 euros, contre 442 et 976 euros pour une fausse couche spontanée, un geste proche. Surtout, les auteurs proposent son inscription dans le système classique de tarification, fondé sur les coûts, dont l'IVG, payée au forfait, est exclue. Les associations de défense du droit à l'avortement réclament, elles, un tarif équivalent à la fausse couche spontanée.

Mme Bachelot a annoncé une revalorisation de 10 % en 2010, et affirmé dans 20 minutes qu'elle demanderait aux futures Agences régionales de santé de "mailler le territoire pour que toutes les femmes puissent bénéficier d'une prise en charge précoce".

Les associations s'inquiètent par ailleurs du regroupement de centres, faute de rentabilité, comme dans les hôpitaux parisiens, alors que selon elles proximité et bonnes conditions d'accueil sont indispensables. Le débat s'est immiscé dans la campagne des régionales en Ile-de-France.


Laetitia Clavreul

Les échecs du modèle français de contraception
Le modèle français de contraception, dominé par la pilule, connaît des "taux d'échecs préoccupants", relève le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), publié mardi 2 février. En effet, 72% des femmes qui recourent à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) sont sous contraception. Ce constat révèle une inadéquation entre les méthodes préconisées et les pratiques. Malgré une couverture contraceptive étendue (80%) pointe l'IGAS, toutes les femmes n'y ont pas encore facilement accès. Roselyne Bachelot a déjà indiqué sa volonté de permettre aux mineures, dans les zones rurales où les centres de planification sont moins accessibles, de consulter gratuitement et anonymement un généraliste. Plusieurs départements et la région Poitou-Charente ont déjà pris des initiatives pour faciliter l'accès des jeunes à la contraception.

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