
Le vieillissement de la population est l’une des causes les plus communément avancées pour expliquer l’accroissement des dépenses de santé publique. Le parallélisme des deux évolutions d’une part, et l’évidence selon laquelle la santé décline avec l’âge d’autre part, suffisent à forger cette certitude. Une enquête décapante vient de prouver que tout cela est inexact. De quoi infléchir un raisonnement d’autant plus insistant que, selon les projections de l’Office fédéral de la statistique, le pourcentage des personnes de 65 ans et plus sera de 20% en 2010, puis de 24,1% en 2040, pour se stabiliser ensuite.
«Le lien entre la démographie et les coûts de la santé est un mythe», lance Alberto Holly (Photo: IMHOF/UNIL), professeur d’économétrie à la Faculté des HEC de l’Université de Lausanne. Il observe que le raisonnement à la base de cette affirmation erronée confond la notion de corrélation avec celle de causalité. «Le vieillissement de la population est souvent confondu avec l’augmentation de la longévité. Il s’agit pourtant de phénomènes qui ne sont que partiellement liés.»
Bien sûr, les coûts de la santé augmentent avec l’âge. Mais le scientifique souligne qu’ils décroissent si l’on considère les
octogénaires. Et surtout: «Lorsqu’on examine le taux de croissance de l’ensemble des dépenses, on observe que, s’il est
globalement de 4%, l’effet du vieillissement ne compte que pour 0,1%.»
Plus précisément, il s’agit davantage d’un effet de génération plutôt que d’un effet d’âge. «Les plus de 60 ans d’aujourd’hui ont un rapport à la santé différent de celui de leurs prédécesseurs: ils se soignent plus et plus tôt, et sont plus exigeants. Ils consomment donc plus de soins, mais ils sont aussi en meilleure santé.» Les véritables raisons de l’explosion des coûts, donc des primes d’assurance, sont à chercher ailleurs.
«La clé de l’explication, c’est le progrès technique, constate le professeur d’économétrie. Ce progrès technique médical affecte absolument tout le monde. Et la courbe évolue même plus rapidement pour les personnes de 25 à 40 ans.» Une partie de ces progrès sont réalisés dans la prise en charge de la natalité et de la prénatalité et sont très coûteux. Et les enfants prématurés, par exemple, peuvent ensuite avoir des problèmes de santé multiples.
La question du financement n’en demeure pas moins aiguë. «Si l’âge de la retraite n’est pas modifié, la proportion de personnes actives par rapport aux retraités passera, en quarante ans, de quatre contre une à deux contre une à peu près», remarque le professeur Holly.
Pour ou contre le progrès technique? «Le problème, c’est de prendre conscience que parfois des dépenses sont exagérées et ne correspondent pas aux attentes. Il s’agit de généraliser l’analyse coût/bénéfice. On va de plus en plus dans cette direction. N’oublions pas que c’est le système de santé qui décide de l’acceptation de nouveaux produits, et non l’industrie.» Et de déplorer que dans les débats actuels on confonde souvent le problème du financement avec celui des réalités des dépenses de santé.
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