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L'intégralité du débat avec Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF)., jeudi 8 janvier, à 15 h .

Mash : Comment expliquez-vous la série d'erreurs médicales ou de dysfonctionnements de l'organisation à l'hôpital dont la presse se fait l'écho depuis le 24 décembre ?
Gérard Vincent : Toute activité humaine est faillible. La médecine n'échappe pas à la règle. Il y a donc des erreurs, même parfois des fautes à l'hôpital. Mais il faut savoir qu'elles sont extrêmement limitées en pourcentage (1,5 cas pour 10 000 hospitalisations), et que par ailleurs, l'hôpital est de plus en plus sûr, parce que les personnels sont de plus en plus qualifiés et que les procédures de contrôle interne sont de plus en plus rigoureuses. Il n'empêche qu'il existera hélas toujours quelques cas dramatiques, incompréhensibles pour les personnes concernées et leurs proches, et qu'il faut absolument réduire au maximum.
Lexoprozac : Les Français sont-ils égaux à l'hôpital ?
Gérard Vincent : Oui, par principe, puisque l'hôpital est ouvert à tout le monde, 24 h sur 24, 365 jours sur 365, sans aucune discrimination possible. C'est la grandeur du service public. Mais au-delà la mise en œuvre de la pratique dépend des comportements des professionnels, et l'hôpital est en droit d'attendre de ses personnels, quels qu'ils soient, le respect de cette règle.
pitch : Y a-t-il une différence de traitements selon les zones géographiques où l'on se trouve ?
Gérard Vincent : En fonction de leur localisation, les hôpitaux ne disposent pas tous des mêmes moyens en personnels, pour des raisons à la fois historiques ou qui tiennent aux difficultés de recrutement dans certaines zones. Certains points du territoire sont plus difficilement couverts au regard de l'offre hospitalière, mais on peut dire que grâce à l'amélioration du réseau routier, très rares sont les régions enclavées sur le plan sanitaire. L'objectif de la future loi hospitalière est notamment d'éviter les déserts sanitaires grâce à une meilleure coopération des établissements entre eux, qui devrait permettre aux plus petits d'être aidés par les plus gros, notamment pour les ressources médicales.
Dr_Love : La France s'achemine-t-elle vers la privatisation de l'hôpital public ?
Gérard Vincent : Absolument pas. C'est vrai que la France est le pays qui en Europe a le plus de lits hospitaliers privés et commerciaux.
C'est aussi une chance car cette dualité apporte une émulation qui profite à la qualité des soins. Mais le socle de l'hospitalisation en France est public et doit le rester, car seul l'hôpital public est le garant du respect des valeurs républicaines, et notamment de l'égalité d'accès de tous en permanence.
lolo : Ne pensez-vous pas que la concurrence croissante entre hôpitaux publics et cliniques privées nuit à l'égalité d'accès aux soins ?
Gérard Vincent : Non, cette concurrence est également saine puisqu'elle pousse les hôpitaux publics à être toujours plus performants, et inversement. Les Français ont le choix lorsqu'ils se font hospitaliser, et ils sont contents de cette liberté. Il est vrai que les cliniques ont tendance à se focaliser sur les actes les moins lourds, les moins difficiles et les plus rémunérateurs, et parfois à choisir leurs patients, ce que
ne peut pas faire heureusement l'hôpital public, qui est le garant de l'égalité d'accès de tous les Français à des soins de qualité.
jericho_kane : La mise en accusation des 35 heures concernant les difficultés de l'hôpital tient-elle la route ?
Gérard Vincent : Les 35 heures ont beaucoup perturbé le fonctionnement des hôpitaux lors de leur mise en œuvre. On est maintenant sorti de cette phase difficile, et on peut dire que les 35 heures ne sont plus vraiment un problème, sauf peut-être de manière marginale pour certaines catégories de médecins qui assurent notamment des gardes et des astreintes.
Katia : Y a-t-il vraiment un problème d'effectifs dans les hôpitaux ?Gérard Vincent : Il n'y a jamais eu autant de personnels dans les hôpitaux publics français. Jusqu'en 2006, les effectifs ont crû régulièrement. Pour la première fois 2007 a enregistré une très légère diminution des effectifs globaux. 2008 devrait voir la poursuite de cette diminution en raison de contraintes budgétaires qui effectivement font planer quelques inquiétudes sur l'emploi à l'hôpital et par conséquent, à terme, sur la qualité des soins et la pérennité du service public hospitalier.
Isabelle_1 : L'entrée en vigueur de la tarification à l'activité est souvent citée comme l'un des facteurs "déstabilisants" pour l'hôpital. Qu'en pensez-vous ?
Gérard Vincent : La tarification à l'activité n'est qu'un moyen de financement qui en lui-même n'est pas de nature à déstabiliser les finances hospitalières. Le vrai problème est celui du niveau de l'enveloppe que la France décide de consacrer à la santé et aux hôpitaux. Lorsque cette enveloppe est insuffisante pour couvrir l'augmentation naturelle des charges, et notamment des salaires, il en résulte des tensions budgétaires qui risquent de se répercuter sur le niveau de l'emploi.
Antoine_P : Doit-on permettre aux infirmières d'effectuer de plus en plus d'actes médicaux pour pallier le manque de médecins ?
Gérard Vincent : Ce que l'on appelle la délégation de tâches au profit des personnels paramédicaux, notamment des infirmières, est un moyen à la fois de revaloriser certains métiers de soins et de pallier les problèmes liés à la baisse du nombre de médecins dans certaines disciplines (anesthésie, ophtalmologie...).
Klong : Comment expliquez-vous le faible niveau de traitement des infirmiers par rapport à leur niveau de responsabilités ?
Gérard Vincent : Dans ce domaine, tout est relatif. La profession d'infirmière a été revalorisée à de nombreuses reprises en l'espace d'une quinzaine d'années. Il est vrai que leur niveau de recrutement et de responsabilité est croissant. C'est la raison pour laquelle il est prévu, à relatif court terme, de reclasser les infirmières dans la catégorie A de la fonction publique, à l'instar des autres professions ayant une
formation universitaire.
Gérard Vincent : L'hôpital public est effectivement soumis à de fortes pressions, même si la France - et c'est aussi vrai pour l'Allemagne - ne connaît pas de phénomène de listes d'attente scandaleuse (plusieurs mois), comme c'est hélas le cas dans la plupart des pays européens.
Par exemple au Royaume-Uni, il faut plusieurs mois, voire deux ans, pour se faire poser une prothèse de hanche, alors que c'est rarement le cas en France, sauf si vous avez décidé de choisir un chirurgien particulier qui fait l'objet de demandes très importantes. Il n'en reste pas moins que le problème de l'attente aux urgences hospitalières ne s'améliore guère, malgré tous les moyens supplémentaires accordés à ce secteur depuis plus de quinze ans.
La raison tient au fait que les Français s'adressent le plus souvent directement à l'hôpital au lieu de s'adresser à leur médecin de ville pour les cas bénins (bobologie). Mais on peut les comprendre par ailleurs, puisque la médecine de ville s'est en partie désengagée de la permanence des soins, et qu'il est souvent difficile pour un malade ou ses proches d'avoir une réponse en cas d'urgence en dehors de l'hôpital. L'hôpital est malheureusement, sur ce point, victime de son succès.
Camille : Les problèmes de l'hôpital public se résument-il à des questions budgétaires ?
Gérard Vincent : Non, mais l'argent, c'est le nerf de la guerre, et quand on a de l'argent, c'est beaucoup plus facile de résoudre les problèmes. Hélas, le déficit de la Sécurité sociale et la crise économique vont forcément avoir une répercussion sur les moyens des hôpitaux.
Il faudra donc faire preuve d'encore plus d'imagination grâce aux efforts de réorganisation pour répondre à la demande avec des moyens qui vont forcément diminuer.
Hibou : Comment améliorer la qualité des soins à l'hôpital public ?
Gérard Vincent : L'amélioration de la qualité est un combat permanent qui passe à la fois par une bonne organisation, par des procédures rigoureuses, par la formation des professionnels, notamment continue, et par des systèmes d'évaluation qui permettent de vérifier soit les lacunes ou les défaillances, soit les progrès réalisés.
Brancardier : L'hôpital public français est-il un modèle dans le monde ?Gérard Vincent : Il n'est peut-être pas le modèle, il fait en tout cas partie des modèles que la plupart des pays étrangers nous envient. Et mon engagement au sein de la Fédération européenne des hôpitaux et de la Fédération internationale des hôpitaux me conforte dans l'idée que nous n'avons pas à rougir de notre système.
EDHforever : Que pensez-vous du projet de loi sur l'hôpital de la ministre de la santé, Roselyne Bachelot ?
Gérard Vincent : La FHF a largement inspiré le projet de loi, puisqu'il a été précédé d'un rapport présenté par le sénateur Gérard Larcher, qui était président de la FHF jusqu'en 2004, qui a largement puisé dans nos idées et préconisations. Ce projet de loi globalement nous convient, dans la mesure où il renforce la notion de stratégie hospitalière publique et de plus grande responsabilisation des acteurs au sein de
l'hôpital.
Chat modéré par Raphaëlle Besse Desmoulières
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