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mardi 18 mai 2010

Le premier hopital psychiatrique carcéral ouvre ce matin à Lyon

18/05/2010


PSYCHIATRIE - La première Unité d'hospitalisation spécialement aménagée (Uhsa) française ouvre ce matin à Lyon. Elle s'appellera unité Simone Veil, soignera des détenus atteints de troubles mentaux. Trois doivent arriver aujourd'hui selon nos informations. La structure montera ensuite en charge quotidiennement, pour remplir rapidement une première unité de vingt lits. Deux suivront ensuite pour atteindre 60 détenus malades, première étape d'un programme national prévoyant 19 Uhsa (dont 9 avant la fin 2012), pour plus de 700 lits. Ce matin, la première est inaugurée par un préavis de grève qui court jusqu'à vendredi, à l'appel de la CGT, FO et l'Unsa, qui ont prévu de distribuer des tracts devant le Vinatier...

L'Uhsa est construite au fond du parc de l'hôpital lyonnais. Un bâtiment en béton brut, relevé de motifs d'un métal dans lequel se reflète le parc hospitalier. De l'extérieur, des murs de six mètres, des barbelés : cela ressemble furieusement à une prison, gardée par 46 surveillants de l'administration pénitentiaire. Mais à l'intérieur, passée une grille et une "zone neutre", cela devient un territoire hospitalier, où le soin doit primer. Les portes s'ouvrent cependant à distance, commandées par les gardiens, qui peuvent intervenir à la demande des médecins, mais aussi décider de fouilles dans les cellules, rebaptisées chambres. Les patients seront là en tant que malades, mais ils continuent d'effectuer leur peine pendant leur séjour.

Des médecins s'inquiètent de la proximité entre pénitentiaire et sanitaire, du risque de confusion que cela comporte pour des malades, qui pourraient faire l'amalgame, ou s'engouffrer dans la brèche qu'offrent ces métiers aux statuts et objectifs différents. Le décret et la circulaire nécessaires à l'ouverture ont d'ailleurs fait l'objet de nombreuses tractations entre les cabinets des différents ministères concernés. Ces discussions ont entraîné le report de l'ouverture, prévue au départ il y a deux mois.

Des médecins et soignants craignent un retour des "gardiens de fous", se demande s'il s'agit d'une prison-hôpital ou d'un hôpital-prison. Ils relèvent que les Uhsa arrivent après des fermetures massives de lits en psychiatrie depuis trente ans. Moins soignés, de nombreux malades se retrouveraient en prison, qui n'a pas les moyens (ni l'objectif) de les soigner. On en retrouverait certains demain dans des Uhsa qui constituent du coup, ironie de l'histoire, un progrès humaniste par rapport à l'existant.

Mais des psychiatres se demandent quelle qualité de soin sera possible dans cet univers pénitentiaire. Quelle relations de confiance pourra se nouer. Pierre Lamothe, médecin chef qui dirigera le pôle "Santé mentale des détenus et psychiatrie légale", dont fait partie l'Uhsa, répond que l'hôpital sera "une bouffée d'oxygène" pour les détenus. "C'est plutôt pour les soignants, ajoute-t-il, que la réalité sera contraignante".

Le préavis de grève déposé par les organisations syndicales vise pour sa part un problème de prime (l'équipe soignante touchera une prime de 117 euros bruts au lieu des 234 promis à l'embauche), ainsi que d'organisation du travail - notamment la prise en compte du temps d'accès au plateau de soin dans le temps de travail.

Les détenus seront envoyés à l'Uhsa sur prescription du médecin de la prison dans laquelle ils séjournent, avec l'accord du chef de service de l'Unité Simone Veil. Ils pourront être internés d'office (dans ce cas le préfet signe un arrêté) ou être volontaire, ce qui constitue une nouveauté. Jusqu'à présent, on pouvait hospitaliser d'office un détenu malade, notamment lorsque l'on considère qu'il est dangereux, lorsqu'on ne parvenait plus à le contenir. Pour le reste, on soignait la souffrance psychique avec les moyens du bord, les soins ambulatoires ou (à la demande du directeur de la prison) au Service médico-psychiatrique régional, sorte d'hôpital de jour à l'intérieur de la prison. Il n'y avait pas d'hospitalisation possible dans un service extérieur, comme pour la médecine somatique, pour les détenus qui voulaient se faire soigner.

L'Uhsa soit être inaugurée vendredi, par Michèle Alliot-Marie et Roselyne Bachelot, en présence de Simone Veil, qui a donc donné son nom à l'unité. Un nouveau préavis de grève a été déposé pour ce jour-là par la CGT, à destination cette fois de l'ensemble du Vinatier.

Libération doit consacrer un long sujet, vendredi, à l'ouverture de ce premier hôpital carcéral.

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