Compteur Global

mercredi 13 janvier 2010

Un ordre infirmier, pour quoi faire  ?

Tribune de Sylvie Breuil, Secretaire de l'UFMICT-CGT Santé action sociale, parue dans l'Humanité du 11 janvier 2010

Depuis plusieurs mois, le monde infirmier est en ébullition. Les « blouses blanches » rejettent avec énergie la mise en place d’un ordre professionnel que le gouvernement tente de leur imposer. Jusqu’alors, les ordres étaient instaurés pour des professions de santé exerçant majoritairement en libéral, tels les médecins et les sages-femmes.

Depuis quelques années, ils se multiplient. Après les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures et les podologues, c’est aujourd’hui au tour des infirmières d’être frappées par cette obligation d’adhérer et de cotiser à un ordre. Pourtant, sur les 510 000 qui exercent en France, 80 % sont salariées, 20 % seulement sont des libérales. Alors, pourquoi ? Structure de droit privé, dénué de véritable légitimité démocratique, l’ordre infirmier se voit confier des missions actuellement remplies par des structures publiques, les Ddass et Drass, dont la loi hôpital, patients, santé, territoires prévoit la disparition. Les Ddass tenaient, gratuitement, l’enregistrement des diplômes des professionnels et leur accordaient l’autorisation d’exercer. Elles tenaient aussi les tableaux de démographie des professionnels et déterminaient, en fonction des besoins des populations, les mesures à prendre en matière de formation. Elles étaient donc un élément à part entière de la politique de santé publique. Le transfert de ces missions permet au gouvernement de réaliser sa RGPP (révision générale des politiques publiques) en supprimant des postes de fonctionnaires au fur et à mesure de la montée en charge des ordres. Le travail réalisé hier par ces fonctionnaires sera accompli par l’ordre infirmier avec, pour seul mode de financement, les cotisations obligatoires des professionnels (75 euros aujourd’hui, sûrement plus demain).

L’ordre est chargé de rédiger un code de déontologie, que les professionnels devront signer, engageant ainsi leur responsabilité. Les manquements au code seront passibles de sanctions, du blâme à l’interdiction d’exercice. Or les règles du métier existent déjà. Et la pratique révèle que connaître les règles ne suffit pas pour les appliquer. Le code de déontologie n’engage en rien la responsabilité de l’employeur, qui a pourtant une obligation de moyens pour permettre aux professionnels d’accomplir leur mission. L’expérience des ordres montre qu’ils font porter à l’individu la responsabilité des manquements à la déontologie, sans prendre en compte les conditions d’exercice que les employeurs imposent.

L’ordre infirmier sera également l’interlocuteur unique du ministère de la Santé – en lieu et place d’une structure publique, le Haut Conseil des professions médicales, où les syndicats sont représentés – pour organiser ce qu’il qualifie de « coopérations » entre professions de santé, c’est-à-dire les transferts de compétences, du médecin vers les infirmiers, des infirmiers vers les aides-soignants… Transferts auxquels le gouvernement pousse, dans une optique d’économies (la tarification de ces actes sera fonction du niveau de qualification du professionnel qui les exécutera).

L’ordre offre aussi l’architecture qui ouvre la possibilité de sortir les professionnels de leur statut de salarié et de leurs garanties en matière de salaire, de carrière et de formation continue, et de les faire exercer en mode libéral. À l’avenir, en effet, les infirmières libérales pourraient venir réaliser des actes dans les établissements hospitaliers. Elles seraient alors rémunérées à l’acte, au détriment de la prise en charge globale du patient. L’ordre infirmier apparaît ainsi comme un outil pour accentuer la pression sur les dépenses publiques de santé. La partie n’est cependant pas jouée. Seuls 13 % des infirmiers ont pris part aux premières élections de cet ordre. Beaucoup refusent de payer la cotisation. Le 26 janvier, lors d’une nouvelle mobilisation organisée par une intersyndicale, ils réclameront à nouveau l’abrogation de l’ordre.

Par Syndicat CGT EPS Barthélémy-Durand Etampes - Publié dans : Actualités

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire