La Cour des comptes enfonce le clou sur le Dossier médical personnel (DMP), dont les déboires ont déjà été soulignés dans divers rapports, en se penchant sur les "nombreux dysfonctionnements" du groupement d'intérêt public (GIP) chargé de son pilotage.
Le DMP, présenté en 2004 comme la pierre angulaire de la réforme de l'assurance maladie, devait permettre à chaque assuré social de disposer d'un dossier informatisé sur sa santé, permettant une meilleure coordination des soins.
La Cour des comptes ne revient pas sur les insuffisances et retards du projet initial, déjà mis au jour dans plusieurs rapports. Elle concentre ses critiques sur le GIP, chargé en 2005 de définir le contenu du DMP et de mettre en place les systèmes informatiques.
Les magistrats pointent d'abord l'échec de gouvernance, "pour l'essentiel imputable à l'Etat jusqu'à la révision du projet" en 2007. La mise en oeuvre du changement de cap "est toutefois restée en attente jusqu'en décembre 2008, pendant que s'aggravaient le sous-emploi et la démotivation des salariés du GIP", ajoutent-ils.
Face à un Etat cherchant à les "court-circuiter", le conseil d'administration et la direction "n'ont pas toujours réagi à temps et avec la vigueur souhaitable", estime la Cour qui regrette aussi les carences internes du groupement d'intérêt public, en matière de gestion des ressources humaines et de salaires.
Le groupement a aussi fauté dans la maîtrise d'ouvrage, notamment sur le volet de la sécurité des données informatiques, se montrant "hors d'état de respecter une part significative des normes internationales en usage" et "les moyens de gestion des investissements et des achats ont été d'inégale qualité".
"Ce nouvel exemple de dysfonctionnement d'un GIP dans le secteur de la santé souligne les défaillances qui affectent la création de tels organismes", juge la Cour qui appelle le gouvernement à apporter "toute l'assistance nécessaire au bon démarrage" de ces projets et à clarifier leurs financements.
La ministre de la Santé Roselyne Bachelot a annoncé en juin 2008 que le GIP-DMP allait être intégré dans une "Agence des systèmes d'information de santé partagés". Cette structure "devra éviter de reproduire les errements dont le GIP-DMP a été victime", prévient la Cour des Comptes.
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Ce devait être la clé de voûte de la réforme de 2004 de l'assurance-maladie, selon le ministre de l'époque Philippe Douste-Blazy. Le dossier médical personnel (DMP), système informatique permettant d'accéder aux informations sur chaque patient, n'a toujours pas vu le jour, en raison des dysfonctionnements du groupement d'intérêt public (GIP) chargé de le mettre en oeuvre.
La Cour, qui s'était déjà penchée en 2008 sur les raisons de ce fiasco, analyse les comptes du GIP. Cette petite structure de 65 personnes était censée disparaître en 2011. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 a prévu son remplacement par une agence des systèmes d'information de santé partagés (ASIP), qui reprendra le projet de DMP.
Selon le rapport, "les mises en garde sur les conditions juridiques et financières dans lesquelles était mené le projet, émises dès 2005, ont été ignorées". De plus, "l'administration du ministère a été tenue à l'écart de la prise de décision et le conseil d'aministration a été largement dessaisi".
Au total, "le GIP a dépensé moins du tiers des 242 millions d'euros initialement prévus pour 2005-2008 à la charge de l'assurance-maladie".
Sa gestion "a souffert de nombreux problèmes". Le GIP a connu quatre directeurs et trois secrétaires généraux en trois ans et "les agents n'ont pas toujours eu la formation ni l'expérience nécessaires". Il en est résulté des erreurs de gestion en matière d'achats, de ressources humaines ou de règles financières.
"Sur décision ministérielle, la Caisse des dépôts et consignations a effectué des travaux informatiques, de pérennité incertaine, sans accord avec le GIP sur leur paiement", pointe la Cour.
Autre exemple, le directeur a fait approuver en 2006 l'achat auprès d'un universitaire américain d'une nomenclature médicale pour 1,3 million d'euros, "restée depuis lors quasiment inutilisée". La Cour des comptes recommande de régler rapidement ces deux dossiers.
La Cour déplore aussi l'absence de schéma directeur informatique interne ainsi que d'une charte de déontologie suspectible de gérer les risques de conflits d'intérêts.
Cet exemple est révélateur selon les magistrats des difficultés posées par le recours croissant dans le domaine de la santé à des "centres autonomes de responsabilités bénéficiant d'assouplissements des règles budgétaires et de moyens supérieurs à ceux des administrations centrales". Un tel choix exige des contrôles "sans failles" de la part de l'Etat.
La Cour des comptes en donne un autre exemple dans son rapport, à propos de la gestion de l'Institut national du cancer (INCa), groupement d'intérêt public créé en 2004 pour piloter le plan cancer de Jacques Chirac.
"La volonté politique qui a présidé à la création de l'INCa a conduit jusqu'en 2006 à un exercice restreint de la tutelle et du contrôle a priori par l'administration centrale", note la Cour. La remise en ordre entreprise depuis "reste à parfaire".
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